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30 juillet 2019 2 30 /07 /juillet /2019 16:04

La réputation de superficialité des esthéticien(ne)s est-elle justifiée ?

Depuis plusieurs années, je suis modérateur sur plusieurs sites d’esthéticien(ne)s.

Je dois avouer qu’au début j’ai été absolument sidéré de lire certaines publications et de voir le niveau lamentable de certaines réponses. Nous n’avons pas la réputation d’être de gros intellos et très souvent, quand je dis que je suis esthéticien, je vois un sourire se dessiner sur le visage de mon interlocuteur. Comme on dit dans le Sud, la traduction de ce sourire est souvent « ben celui-là, il doit être bien brave » !

Un ami dermatologue (dont l’épouse était esthéticienne) me disait souvent : « quand une cliente commence à me dire : mon esthéticienne m’a conseillé …, je crains le pire ». Un autre dermatologue m’avait dit : « je préfère former mes assistantes plutôt que d’embaucher une esthéticienne, je sais au moins qu’elle ne fera pas trop de conneries ».

Très souvent, derrière mon écran d’ordinateur je me suis écrié : « mais c’est pas vrai… » ou parfois « mais quelle conne ! ». Et très souvent j’allais voir le profil de la personne qui, hors contexte, m’aurait semblé avoir un cerveau un peu plus développé que celui d’un concombre oublié au fond du réfrigérateur !

J’ai donc essayé de comprendre pourquoi notre profession a cette triste réputation et ce qui peut le justifier.  Et aussi comment faire changer les choses ?

Je lis des dizaines de publications par jour, souvent les mêmes qui reviennent cycliquement. On a plusieurs fois par jour : « vous avez vu ma french comme elle est réussie ? » ou « qu’est ce que vous pensez de mon Baby Boomer ? », plusieurs fois par semaines c’est « j’ai épilé mon copain et il a plein de boutons » et, presque aussi régulièrement « quand je masse je récupère toutes les mauvaises énergies des clientes, comment faites-vous pour ne plus avoir ce problème ? ». Sans parler des problèmes de rehaussement, allongement, teinture des cils ni des rendez-vous non honorés…

Et comme je suis dans un jour de bonté extrême, je ne vais pas vous donner les réponses qui feraient immédiatement étouffer de rire une infirmière, mourir d’une crise cardiaque un médecin et se suicider sur le champ un professeur responsable.

Alors où est le problème ?

La profession d’esthéticien(ne) a très longtemps été réservée à celles et ceux qui étaient en difficulté scolaire. Quand on avait loupé son brevet ou que visiblement on avait atteint le sommet de nos capacités, il nous était conseillé esthétique, coiffure ou aide puéricultrice. Un client qui s’occupe d’orientation en collège me dit que ça n’a pas beaucoup changé. On a donc adapté l’enseignement à ce niveau et il faut reconnaitre que quarante ou cinquante ans après on est toujours au même niveau. La profession est toujours régie par la loi de 1962 ! On voit donc le dynamisme qu’ont mis les enseignants et les syndicats à faire bouger les choses. On se trouve ainsi devant un double problème : le niveau des examens est très médiocre et plus du tout adapté aux techniques et produits actuels, et pour les personnes qui se forment par le biais de l’apprentissage ou de l’alternance elles sont formées par des personnes qui trop souvent ont un niveau trop bas pour les faire avancer. On en est d’ailleurs arrivé à ce que les enseignants expliquent aux élèves que ce qu’on apprend dans les écoles c’est « une technique CAP » mais que ça n’a rien à voir avec ce qu’elles feront dans l’institut !

 Et puis, pour les écoles et les centres de formation, c’est se garantir un certain confort. Ils n’ont ainsi pas besoin de chercher à revoir les cours ni à se remettre en question. Une directrice d’école qui avait fait appel à moi pour assurer des formations me proposait de dispenser une formation de podoréflexologie et réflexologie palmaire en 16 heures... Quand je lui ai répondu que pour les kinés qui ont quand même des bases plus solides il fallait au moins 40 heures, elle m’a répondu « mais elles n’y comprennent rien ! Vous leur distribuez les planches avec les points, vous les occupez un peu en pratique et elles seront ravies ! ». Et c’est comme cela qu’ensuite on a des filles et des garçons qui, en toute bonne foi et parce qu’elles ont suivi une formation, se considèrent comme de vraies professionnelles. Combien parmi celles qui font du massage ont entendu parler de chaînes musculaires et aponévrotiques ? Combien savent ce qu’est une lemniscate ? Combien ont la moindre notion de posturologie…. ? C’en est désespérant. On lit régulièrement « depuis que j’ai fait ma formation de posturologie, je ne prends plus les mauvaises ondes de la clientèle ». Mais oui, ce qu’on appelait « les mauvaises ondes » n’était que le résultat de la crispation due à une mauvaise position et un bon positionnement a fait disparaître ces crispations ! On parle du massage comme on en parlait il y a un siècle : magnétisme, ondes, fluides… On occulte les remarquables avancées de Mézières, Still, Struiff Denys, Wodder, Gerda Alexander, Elisabeth Dicke et tant d’autres. Et puis il est plus facile d’enseigner « un protocole » comme c’est souvent présenté (c’est-à-dire un mode d’emploi) que d’expliquer le pourquoi et le comment de chaque manœuvre. Je vois très régulièrement proposer (en 16 heures puisque c’est la norme en formation)  l’apprentissage du massage Suédois ! On se moque vraiment de nous et je me dis parfois que celles et ceux qui proposent ça ne se rendent même pas compte, par manque de formation eux-mêmes que c’est complètement débile.

Et les sommets sont souvent atteints lors des discussions sur l’épilation ! Une épilation, c’est à la base des poils qu’on arrache donc un micro traumatisme cutané qu’il faut gérer. Lorsqu’on voit les solutions proposées avec en conclusion « et puis, tout compte fait, à chacun sa méthode », il y a vraiment de quoi se poser des questions. Entre celles qui désinfectent au talc et celles qui considèrent que si les hommes épilés ont plus de boutons c’est parce que tout le monde sait que les hommes sont sales,  il y a toute une gamme de déclinaisons possibles et toutes aussi surréalistes les unes que les autres. Nous en sommes au point où il a fallu créer des modules de formation professionnelle en épilation ! Les filles qui en sortent sont émerveillées, apprennent plein de choses, comprennent ce qu’elles font…mais merde !!! Pardonnez-moi cet écart de langage, mais l’épilation n’est-elle pas la base du métier avec les soins de peau ? Oui, à le voir ainsi, on est vraiment tombé très bas.

Mais y a-t-il une solution ?

Cela confirme bien que dans chaque domaine de l’esthétique il y a un vrai problème fondamental de formation. Il faudrait tout reprendre en main : les programmes non adaptés, les formations assurées par des personnes souvent dépassées ou malheureusement peu compétentes, les référentiels qui sont déconnectés de la réalité de terrain et des besoins actuels…. Je pense qu’il serait difficile d’obtenir, sans une réforme des études, que les écoles cherchent à se réformer seule. Et que faire des enseignants incompétents ?  On ne peut pas non plus vérifier que chaque esthéticienne qui prend un contrat de qualification ou une apprentie soit au niveau ! Avec l’ancienneté, toute professionnelle de l’esthétique est supposée le devenir et ne doute généralement pas une seconde qu’elle l’est ! Il y a un gros travail qui s’offre aux syndicats et aux revues professionnel(le)s qui devraient oublier les publi-reportages pour laisser davantage de priorité aux informations plus sérieuses … mais moins lucratives.

Hélas, en haut lieu, là où on pourrait peut-être faire évoluer un peu les choses, je crains que tout le monde ne s’en contre-fiche. Nous restons pour eux l’image de la futilité, du superficiel, du bling-bling et de l’inutilité complète. Si ce ne sont pas les professionnel(le)s qui se prennent en main, la bataille n’est pas gagnée et, à lire ce que je lis chaque jour, la prise de conscience ne touche malheureusement qu’une minorité d’entre nous.

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