
Un autre regard sur le massage
Un ami m’a dernièrement demandé mon avis sur un certain nombre de centres de formation en massage que l’on peut trouver sur internet. Il envisage une reconversion éventuelle et se sent attiré par les massages.
Je suis donc allé voir ce qui était proposé. Cette recherche m’a fait pleinement comprendre ce que je ressentais et me mettait actuellement mal à l’aise face à ce que je vois de l’évolution dans le milieu du massage bien être.
Je me suis très souvent retrouvé face à ce qui est, pour moi, une des pires dérives possibles : une tendance à la sectarisation.
Malraux disait que le XXIème siècle serait mystique : on est en plein dedans. On efface d’un revers de main tout ce qui a été fait depuis les années cinquante, on oublie Mézières, Still, Struyf-Denys. On ignore l’anatomie, la physiologie, la pathologie.
On est revenu à une époque où n’étaient connus ni l’électromyogramme, ni l’IRM, ni le scanner, ni l’EEG. On parle de « réflexe » sans savoir ce que c’est, on se dit réflexothérapeute ou massothérapeute sans être capable d’établir un diagnostic. On soigne sans établir de diagnostic ! On en est revenu aux fluides, aux chakras, aux méridiens, au magnétisme… comme si cinquante ans de recherches, de découvertes, de travail n’avaient servi à rien : on se cramponne à l’obscurantisme et pour cacher l’ignorance on vend du rêve. Vendre du rêve, je ne suis pas contre, mais si on est conscient de ce que l’on fait, pas pour cacher ses lacunes.
Le langage employé est souvent très proche d’un langage sectaire. On a un « Maître », on suit un rituel. On utilise les grosses ficelles que je dénonçais il y a une quarantaine d’années dans mon mémoire de sophrologie « office religieux, technique sophronique » : encens, vibrations… tout ce qui nous permet de déconnecter le plus vite possible.
Et je ne parle pas des dérives de certaines formations pseudo-tantriques ou proches où on appelle la masturbation « massage lingam » et la pénétration « massage prostatique » ! Ces méthodes correspondent à une demande et je pense qu’elles ont toute leur place dans notre société mais le mélange des genres ne nous est pas favorable au niveau réputation et il faudrait que les appellations soient plus claires pour éviter les quiproquos.
Généralement, je ne regarde pas trop ce qui se passe ailleurs. Je ris devant les chorégraphies présentées au Congrès des Nouvelles Esthétiques et aux championnats de massages et ça s’arrête là. On résume le massage qui est avant tout en dialogue non verbal entre deux personnes à une chorégraphie. C’est un peu comme faire un discours en langue des signes devant un parterre de non-voyants ! En allant sur ces différents sites, je pensais entendre parler d’anatomie, de physiologie, de posturologie, de chaînes aponévrotiques et musculaires … pas me retrouver là où j’étais il y a cinquante ans. On enseigne le drainage lymphatique sans même évoquer les lois de Starling, on fait du massage de détente sans dire ce qu’est une lemniscate, sans parler des chaînes aponévrotiques et musculaires… Heureusement qu’on ne peut que très rarement faire du mal en massant une personne qui vient pour du bien-être et est censée ne pas souffrir de pathologie. Spontanément, si une personne aime masser, elle ne fait que rarement des choses qui sont désagréables ou dangereuses.
La visite de ces différents sites me conforte dans l’idée qu’il serait important et urgent de remettre les pendules à l’heure, d’exiger un minimum de sérieux et de connaissances de la part des formateurs et formatrices. Le massage est un Art mais comme tous les arts il nécessite une connaissance des outils pour atteindre, sinon la perfection puisqu’à l’impossible nul n’est tenu, mais au moins une compétence accrue.