Le développement de différentes méthodes en esthétique, que ce soit en soins esthétique ou en massage, l’apparition de nouveaux appareils, le désir de reconnaissance des professionnels de la beauté et du bien-être a permis l’intrusion dans la pratique de notre profession des médecines douces et des médecines alternatives.
Beaucoup, parmi nous, se considèrent comme des thérapeutes. On part donc du principe que nos client(e)s souffrent de pathologies et qu’on se doit donc de les soigner. Par exemple, on est passé du modelage au massage il y a une dizaine s’années pour se considérer comme massothérapeute maintenant. Il y a parmi nous des tas de thérapeutes : sylvothérapeutes, litho-thérapeutes, ostéothérapeutes… Le fait d’ajouter « thérapeute » souligne le fait que nous soignons.
Et tout naturellement, les médecines alternatives se sont glissées dans nos pratiques.
Nous allons dans un premier temps rappeler par les définitions même des mots ce que cette intrusion modifie dans notre vocabulaire et sous-entend dans nos pratiques. Puis en prenant l’exemple de la Programmation Neuro Linguistique, nous essaierons de voir ce que ces méthodes peuvent nous apporter et en quoi elles peuvent modifier à la fois notre approche du métier, nos comportements et nos soins.
DEFINITIONS.
- THERAPIE :
« Partie de la médecine qui s'occupe des moyens - médicamenteux, chirurgicaux ou autres - propres à guérir ou à soulager les maladies. »
Cette définition tirée du Larousse indique que d’une part on est dans le domaine de la médecine et que d’autre part on se trouve face à une maladie. Donc faire une thérapie nécessite d’avoir au préalable porté un diagnostic et d’autre part à avoir choisi le soin le plus approprié pour résoudre le problème de santé qui se présente devant nous.
- BIEN ÊTRE :
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »
Cette définition établie par l’Office Mondial de la Santé englobe donc de fait tout ce qui peut améliorer notre sentiment d’être bien. Nous sommes les seuls à pouvoir définir notre bien-être. Chaque personne est différente, unique, et sa notion de bien-être sera différente de toutes les autres. En réalité, le bien-être ne se ressent que par opposition au mal-être et c’est ce signe qui va nous servir à la fois de curseur et d’alarme. Le mal-être nous indique qu’il faut rechercher la cause de cet état et tout faire pour y remédier avant qu’il ne nous conduise à un état pathologique.
On peut ressentir un état de fatigue sans pour cela être dans un état de mal-être et vice versa. C’est pourquoi, lorsque nous nous trouvons face à une personne qui demande un soin de bien-être il faut pouvoir étudier se demande : besoin de détente physique après efforts ou fatigue, demande d’un moment de « décrochage », état de mal-être… ? La solution que nous pourrons apporter sera différente pour chaque demande.
L’état de mal-être n’est pas une maladie, c’est la sonnette d’alarme. Il faut donc avoir conscience qu’un soin va pouvoir, suivant le cas, être plus mauvais que bénéfique puisqu’on risque d’arrêter l’alarme sans pour autant résoudre le problème de fond. C’est le problème posé par toutes les thérapies brèves.
- ETUDE RANDOMMISEE :
Au niveau scientifique, une étude randomisée est une étude menée en double aveugle.
On prend un échantillonnage de X personnes ayant la même pathologie ou le même état, on le divise en deux. Un groupe recevra le soin et l’autre un placébo (produit inefficace) et on étudie les effets produits sur les deux groupes.
Si tout le monde n’a eu aucune réaction c’est que le soin proposé ne sert à rien. C’est la même chose si tout le monde sent une amélioration ! Dans le second cas on voit que la pathologie a disparue spontanément sans soin donc qu’il est inutile de traiter pour obtenir une disparition de cette pathologie.
- EFFETS PLACEBO ET NOCEBO :
« L’effet placebo correspond au résultat psycho-physiologique positif (bénéfique) constaté après l'administration d'une substance ou la réalisation d'un acte thérapeutique, indépendamment de l'efficacité intrinsèque attendue du traitement. »
En gros, on donne à une personne un médicament dont on sait qu’il est totalement inefficace et si la personne se sent mieux, c’est qu’elle a réagi purement psychologiquement au soin. On sait que tout traitement est plus efficace si la personne qui le reçoit a confiance en la personne qui le prescrit et si elle considère le soin comme efficace.
« L’effet nocébo », c’est l’inverse. Si la personne qui reçoit le soin n’y croit pas, ce soin perd en efficacité.
Une étude randomisée remarquable a été faite aux USA et au Canada qui portait sur plus de 5000 personnes. On avait des volontaires pour se faire vacciner contre la Covid. La moitié était antivaccin, l’autre moitié pro-vaccin. Chacun des lots a été divisé en deux et on a vacciné avec le vrai vaccin ou de l’eau distillée la moitié de chaque lot. A la sortie, 64% des antis ont eu une réaction négative (douleur, fièvre, nausée, vertiges…) contre à peine 6% des pros ! C’est l’effet nocébo qui a joué : les antis ont analysé toutes leurs réactions pendant des jours en attendant le problème, les pros ne se sont pas posé la question.
On voit donc clairement que la réaction de confiance face au soin et à la personne qui le réalise ou le prescrit aura une grande importance pour le résultat de ce soin.
- CHARLATANISME :
Un charlatan est une personne « prétendant de manière frauduleuse ou par ignorance disposer de compétences médicales » ou « une personne qui prétend, professionnellement ou publiquement, posséder des compétences, des connaissances, des qualifications qu'elle ne possède pas ».
Cette définition correspond malheureusement très souvent à ce qui se passe au niveau du bien-être. Une personne juge de l’état de santé d’une autre personne sans en avoir les compétences. Trop souvent, la personne qui prodigue le soin part avec des aprioris totalement faux : « cette personne est en souffrance », « elle est intoxiquée », « elle est dépressive », « elle n’est pas bien »…. Et cet apriori va guider un soin qui ne sera pas forcément adapté. Et, plus grave, faire disparaitre le problème, s’il existe, va parfois aggraver le cas puisqu’il effacera des symptômes qui pourraient permettre à un médecin d’agir plus efficacement et rapidement.
- DERIVE SECTAIRE :
« La dérive sectaire est un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes. » (Définition de la MIVILUDES).
Le bien-être est une possibilité évidente de favoriser ces dérives et 40% des dérives sectaires signalées en 2021 à la Miviludes sont dans le domaine médical et particulièrement le domaine du bien-être. Ce problème ne touche que très peu les petits instituts mais est de plus en plus présent dans le domaine de la formation. En réalité, pratiquement, la dérive sert à colporter de fausses informations ou des méthodes considérées comme du charlatanisme pour tirer des avantages souvent financiers aux personnes qui sont dans cette dérive.
APPORTS DE CES SOINS DANS L’APPROCHE DU BIEN ÊTRE. EXEMPLE : LA PROGRAMMATION NEURO LINGUISTIQUE
La Programmation Neuro linguistique est apparue dans les années 1970-1980. Elle a été créée par John GRINDER et Richard BANDLER. Elle a connu depuis de nombreuses évolutions et variations et a fait l’objet de nombreuses études qui ont invalidé la plupart de ses applications, mais a surtout permis d’approfondir notre compréhension du système cognitif et de son implication dans notre représentation du monde et nos interactions sociales. Le système cognitif est le système qui reçoit les différentes informations et qui les traite en fonction de son être, de son passé, de sa mémoire, pour y répondre par une action.
Ce système est donc particulier à chaque personne et c’est l’étude des différents types qui constitue la base de la PNL
La PNL a ainsi permis de modéliser et de fournir une première grille d’analyse sur les comportements humains, la transmission de l’information et les apprentissages.
Depuis, de nombreuses disciplines se sont développées à partir de ce domaine de recherche et, à mesure que nos connaissances en matière de fonctionnement du cerveau humain se sont étoffées, les applications se sont diversifiées et ont progressivement envahi notre quotidien dans différents secteurs d’activités, comme par exemple : les entretiens d’embauche et les ressources humaines, la politique, la communication publicitaire et l’étude des comportements d’achat, le « traitement de sources humaines » dans le renseignement, l’interrogatoire de police et la négociation, et plus particulièrement dans le secteur du bien-être et les thérapies brèves( EMDR ou désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires , Hypnose, Techniques d’Optimisation du Potentiel etc….)
La PNL a été abandonnée dans de nombreux secteurs et, avec l’arrivée de nouvelles techniques, a laissé la place à d’autres méthodes. Le développement de l’informatique et des réseaux sociaux ont permis d’affiner certaines méthodes et technique en offrant un échantillonnage plus important. C’est tout l’apport des algorithmes.
Ces algorithmes nous permettent de mieux comprendre l’interaction entre les personnes, entre les différents groupes. Les études comportementales permettent aussi de mieux comprendre l’impact des résultats des soins (que ce soit en médecine ou dans le bien-être) au travers du prisme de la relation soignant-soigné
« Vous soignez autant par ce que vous êtes, que ce que vous faites »
Nous disposons désormais d’un grand nombre d’études et surtout de méta-analyses dans le domaine des soins et en particulier du massage. Il existe une multitude d’approches de ces soins et aucun ne peut se prévaloir, pour une même attente du client d’une efficacité supérieure aux autres. Il en est de même en ce qui concerne les conseils d’hygiène et de diététique.
Nous sommes tous persuadés de procéder la bonne méthode, la bonne approche bien que nous soyons toutes et tous différents dans nos soins et nos conseils.
Il nous semble évident que la relation soignant-soigné soit pour une part importante dans le résultat du soin. Pourtant, il aura fallu l’approfondissement des études par la PNL pour qualifier ce phénomène. Nous agissons de façon purement intuitive, la PNL a analysé cette façon d’agir sous le filtre comportemental.
En tant que débutant, nous avons souvent des déceptions quant au niveau des résultats espérés et, avec le temps, nous nous constituons une clientèle qui est de plus en plus fidèle, de plus en plus contente des résultats. Nous avons bien sur progressé mais il faut aussi tenir compte du fait que notre clientèle se fait beaucoup par le bouche-à-oreille et que nous fidélisons des personnes qui nous ressemblent, qui sont dans la même « bulle » que nous. Par exemple, si vous êtes plutôt manuel, vous n'attirerez pas les personnes qui croient que les dernières technologies vont avoir des résultats miracles et, à contrario, si vous mettez vos client(e)s sous appareil vous verrez fuir celles et ceux qui aiment le contact manuel. C’est aussi ce qui peut arriver avec les « bon cadeau ». Une personne peut offrir un super massage à une amie, si celle-ci n’aime pas être touchée, ce sera un échec.
Nous aurons donc la possibilité de choisir les techniques qui nous correspondent, en lesquelles nous croyons, celles qui pour nous ont fait leurs preuves et ont donné entière satisfaction à nos client(e)s fidèles soit de plonger dans « notre boite à outil » et essayer de trouver ce qui semble le mieux adapté à la personne que nous recevons. La première approche donnera un résultat garanti, l’autre sera plus aléatoire d’autant plus que nous ne sommes pas, nous même, certain(e) du résultat.
La PNL a classifié les personnes en plusieurs profils différents, en huit grands groupes qui parfois s’imbriquent chez une même personne :
- Promoteur.
- Rebelle.
- Persévérant.
- Rêveur.
- Empathique.
- Analytique
- Traditionnel
- Favorable au changement.
La thérapie manuelle cognitive
Vous savez surement constaté, pour l’avoir vécu, que certaines clientes sont plus réceptives que d’autres aux protocoles de soins que vous mettez en place dans vos instituts. Certaines arrivent « en terrain conquis », envahissent l’espace, sont chez elles d’entrée ! C’est ce qu’on considère comme un profil « promoteur » alors qu’un profil rêveur sera plus réservé, timide, en retrait. Le rêveur aura besoin de calme, de se sentir seul. Il sera agressé par toute intrusion. Cette personne préfèrera le petit institut confidentiel au grand centre. Elle se sentira protégée. Elle fuit trop de stimulations qui l’éloignent de sa bulle de confort.
Un profil emphatique appréciera que la personne qui s’occupe de son soin lui soit entièrement dévouée. Ces personnes ont besoin de contact direct, ce sont des tactiles, des sensuelles. Elles demandent autant d’empathie qu’elles en ont pour les autres alors que l’analytique acceptera sans problème d’être mise sous appareils si on lui en a expliqué le fonctionnement. Elle a besoin d’avoir face à elle une personne ancrée, sure d’elle et de sa méthode.
Les « persévérants » veulent du concret ! Ils aiment avoir en face d’eux une personne qui en impose. L’affichage des diplômes est apprécié et des photos de résultats de soins les impressionnent. Si vous avez un jour eu en soin une célébrité, ils seront enthousiastes et confiants : ils ont besoin de repères.
Si vous êtes face à une personne « analytique », le fait de montrer des résultats la sécurise alors que face à une « rebelle » le résultat sera inverse. La rebelle sera la cliente casse pieds qui questionnera sans cesse et essaiera de vous déstabiliser. Elle aura toujours connu la personne qui a dit le contraire de ce que vous expliquez et qui avait d’excellents résultats. On se demande même ce qu’elle fait chez nous puisque c’est mieux ailleurs !
Nous rencontrons aussi la cliente « changement » qui veut toujours la dernière technique sortie contrairement à la « traditionnelle » qui ne veut être épilée qu’à la cire recyclable ! C’est ce qu’on lui faisait il y a trente ans, ça marchait, il n’y a aucune raison de changer.
Profil n’est pas Personnalité !
Mais attention, ces profils décrits sont différents de la personnalité de la personne. Dans les mêmes profils on peut rencontrer différentes personnalités. Chaque personne est différente et il faut bien se garder de schématiser trop vite en fonction du comportement.
Notre vécu modifie nos comportements. Notre comportement change aussi en fonction de la personne avec qui nous sommes. Nous n’agissons pas de la même façon avec nos conjoint(e)s, nos collègues, nos voisins… Combien de fois avons-nous entendu dire par un proche « ça, c’est pas toi, je ne te reconnais pas » ! Toutefois, quand nous avons identifié le groupe de la personne, il sera plus aisé de créer un lien et d’entrer dans sa bulle.
Le modèle CEPCoT (pour : Contexte, Ecoute, Profil, Communication, Traitement) tente de nous fournir les éléments de prise en charge.
Le principe est d’intégrer les dernières avancées en matière de science cognitive à notre prise en charge habituelle :
Contexte : en intégrant dans notre cadre de consultation (rdv, salle d’attente, tenues etc..) les facteurs contextuels qui vont influencer inconsciemment notre clientèle dans le sens de son propre intérêt. On parle de « Nudge » ou « coup de pouce » en français.
Ecoute : en adoptant la posture de praticien la plus congruente possible avec les besoins de notre patient tout en nous préservant de certains comportements manipulateurs ou toxiques. Tout ça en intégrant simplement quelques questions supplémentaires lors de notre questionnaire et en observant notre patient de manière plus « spécialisée ».
Profil : savoir identifier le profil cognitif adopté par notre patient dans le contexte du soin pour adapter notre prise en charge et notre suivi en amont.
Communication : identifier le langage d’influence le plus adapté à notre patient pour s’assurer sa pleine adhésion dans sa prise en charge.
Traitement : Sélectionner la technique adaptée au profil du patient, à ses symptômes et son âge, et déterminer le protocole de soin le plus pertinent par rapport à sa demande, ses facteurs de motivation et ses critères.
En pratique, ça donne quoi ?
Lorsque nous sommes face à la demande, analyser comment elle a été formulée. Suivant la personne, les mots, le ton, la tournure de phrase, peuvent être totalement différentes pour une demande identique.
Il faudra adapter notre réponse à la demande non seulement par les actes mais aussi par la formulation. Un décalage dans le comportement ou le langage peut dresser immédiatement un mur entre le client ou la cliente et nous.
Si on sent une gêne ou une incompréhension, il faut rectifier le tir au plus vite.
Il faut aussi toujours avoir en tête que face à la cliente il y a nous qui avons notre propre profil. Il faut donc, comme le dit si bien l’expression, jouer « profil bas » pour ne pas s’opposer. Il faut savoir composer et « entrer dans le jeu » de la clientèle si on veut la séduire, la satisfaire et la garder…et ce n’est pas toujours facile.
C’est ce jeu de rôle qui fera qu’on va développer une clientèle qui, avec le temps, nous correspondra. Quand on est ancien dans le métier, on voit que la clientèle nous ressemble : nous nous choisissons mutuellement.
Un professionnel qui a une excellente pratique mais un profil particulier aura parfois plus de difficultés à réussir que le caméléon qui possède moins de qualités professionnelles. Quand « le courant ne passe pas », quelle que soit la qualité du soin, le client ou la cliente ne reviendront pas. Ils viennent chez nous pour du bien-être, pas pour être tendus, mal à l’aise.
Il ne faut pas aussi négliger les risques pris lors de nos prises de positions et attitudes. Si face à un persévérant vous commencez à parler de « fluides », de « magnétisme », « d’ondes », il risque fort d’être déstabilisé et si vous tentez de lui vendre des pierres en litho-thérapie , il sentira le coté sectaire de la méthode alors que d’autres seront ravis de cette offre. Ce qui est considéré comme « charlatanisme » au niveau médical correspond à une demande d’une certaine clientèle. L’effet placébo jouant, on est dans ce cas gagnant à coup sûr.
Mais il faut aussi considérer le coté dangereux des soins alternatifs et des thérapies brèves. S’ils correspondent à la demande de la personne, ils auront toujours un effet positif mais il ne faut pas négliger que cela risque de retarder un traitement plus conventionnel qui sera indispensable pour la guérison. Les petits troubles peuvent être le signal d’alarme de quelque chose de plus grave et il ne faut donc jamais les négliger. Les thérapies brèves peuvent aider à franchir un obstacle, parfois un second ou un troisième mais s’ils cachent une pathologie, elles font courir le risque d’une aggravation de la maladie. Et d’un autre côté, ces soins alternatifs peuvent éviter la prise intempestive de médicament ! C’est pourquoi il faut que nous soyons très prudents dans notre comportement pour ne pas imposer nos croyances à notre clientèle sachant que si elle « entre dans notre bulle » elle deviendra vulnérable : c’est ce qu’on appelle de la dérive sectaire.